De l’autre coté de la visière...
[ Ca le fait bien comme titre pour la collection Arlequin non ? :) ]
Préambule :
L'auteur de l'actuel best-seller de la collection "risques" aux éditions
Lavoisier, qui est quelqu'un que l'on connaît, - voir
dit que c'est en croisant plusieurs point de vue qu'on peut obtenir
l'image la moins floue d'un évènement! Voici donc ma pierre à l'édifice,
sachant que ce n'est que mon point de vue et non pas une description
objective. Il faudra croiser avec d'autres comptes-rendus pour avoir une
bonne image des faits, des anecdotes et des émotions de ce week-end
de folie. Je vais essayer pour ma part de vous faire sentir de quelle façon
j''ai vécu ce moment d'anthologie, de mon coté de la visière.
Chapitre 1 : le commencement...
C'est assez jeune - pour mes 14/15 ans- que le virus de la "course" me
prend. A l'époque, une vingtaine d'années en arrière donc, celui-ci
prend la forme d'infatiguables courses au feu rouge, en cyclo.
Mais c'est il y a dix ans que j'achète ma vraie première moto "circuit",
une 600SS -surnommée depuis 600 SuperLight- que j'ai toujours. Depuis
ce temps, j'enchaîne les journées d'entraînement, sans jamais m'inscrire
à une "vraie" course, comme les endurances DCF. C'est pas l'envie qui me
manque, mais plutôt tout ce qui va autour - la logistique en fait! C'est
donc sans aucune hésitation que je réponds par l'affirmative lorsque
Christophe me propose de joindre le Papyrex Racing Team, organisation
charitable s'il en est puisqu'elle prétend faire rouler des STistes en
course. Ah! Attends Christophe, tu veux vraiment faire une course en ST,
t'es pas un peu fou ? Ahh ça ne se fera pas en ST? Ouf, alors j'en suis!
:) Ca tombe bien, puisqu'il est question que j'amène la deuxième moto du
team!
Je constate rapidement que bien qu'étant fervent détracteur des ST, tout
le monde saisit que c'est "pour de rire" et me voilà intégré à part
entière dans cette équipe de "déconneurs sérieux" que j'apprécie de plus
en plus. Les mois passent, les messages fusent sur le net, les vannes
aussi, et la fin août promet de bonnes tranches de rigolade en
perspective. Ya qu'une blague que j'ai pas apprécié -du tout-, c'est
celle que tu nous as fait Christophe, avec ton 888 le 8-8-8. Celle-là ne
passe vraiment pas, désolé! Franchement t'aurais pû trouver une
meilleure façon de nous faire connaître ta merveilleuse épouse et tes
super gamines. Passons...
Chapitre 2 : août 2008
Pour Wim et moi, les préparatifs commencent tard puisqu'à la mi-juillet,
nous n'avons pas encore commencé à toucher à ma 750SS "stock" achetée
en juin. Pourquoi faire aujourd'hui ce que l'on peut reporter à demain ? :)
On s'y met alors pour de vrai et enchaînons les soirées "jusqu'à 2h du
mat". Merci à nos compagnes et enfants respectifs de nous avoir permis
ces moments où nous ne pensions qu'à une chose - finir la course!
Pour le fun, pour nos egos de païlottes, ou pour le rêve de Christophe,
mais "finir cette putain de course" (Coachette tm) à tout prix!
Le plan pour la préparation mécanique est assez simple : tout démonter,
tout vérifier, tout remonter aux petits oignons. Trois fois rien :)
Evidemment on découvre pas mal de bugs au démontage, pouvait-il en être
autrement sur une bécane de 1995 et 74000km?, mais le point d'orgue,
c'est quand même la découverte du cadre félé. On décide alors de prendre
le cadre de ma 600, on n'est plus à 10 ou 15 petites heures de bricole
près quand même?
Chapitre 3 : dernière semaine !
Les soirées de mécanique se succèdent et petit à petit, la numéro 06,
nommée "SSamère" car elle va "marcher sa mère" prend vie.
Le mardi midi de la semaine qui précède la course, les cartons sont
vides, le réservoir est plein, et ce sont les premiers essais routiers,
"à l'arrache", avec les feux et la plaque d'immatriculation scotchés sur
le poly. Mercredi, re-essais routiers, en allant au boulot puis entre
midi et deux et enfin jeudi, départ pour Le Vigeant, 8h du mat. Presque!
11h en fait, le temps de corriger tous les petits problèmes découverts
lors de nos essais. Marc comprend rapidement l'importance d'être
polyvalent, et porte successivement les casquettes de mécano,
photographe, chargeur de camion, chauffeur, bref, n'importe quoi pourvu
que ça nous aide :)
On arrive le jeudi soir, on retrouve les "Box23 boyz", nos compagnons
d'arme depuis un p'tit bout de temps maintenant, et ça fait sacrément
plaisir de tous se retrouver, une fois de plus!
Chapitre 3 : vendredi
Vendredi c'est "essais libres", la moto roule bien, on lui découvre
encore quelques bugs qui sont facilement maîtrisés. Wim trouve que
"c'est un avion" cette moto, je suis beaucoup plus mitigé, je ne la
trouve pas tellement plus puissante que ma 600. En qualif puis en
course, je reviendrais sur cet avis, à en juger par la "facilité" (c'est
relatif!) avec laquelle on pourra passer les autres motos. Le soir, avec
l'aide de tout plein de gens, on mécanique "Samère" (tiens personne ne
l'avait encore faite celle-là!) car d'une part je ne veux laisser aucune
place à la panne pendant la course, et d'autre part un avion ça
s'entretient si on veut qu'il vole bien :)
Chapitre 4 : samedi
Samedi c'est "qualifs", et c'est Wim qui commence. Il revient avec la
pôle position de la catégorie 750. Depuis son stage en début d'année, il
était labellé "fastest païlotte", mais c'était sur son engin de guerre,
la 748SPS. Là, il est rapide avec MA moto. Le salaud! Il faut savoir que
tous les jours, Wim et moi prenons le café ensemble puisqu'on bosse au
même endroit, et inévitablement, il y a toujours un doux mélange
d'intox, d'adrénaline et de testostérone lorsqu'on cause moto. "Qui
c'est qui roule le plus vite", la version pour adultes de celui qui fait
pipi le plus loin, est un de nos sujets favoris de tirailles, et c'est
vrai que j'avais peur que Wim me mette un gros vent sur ma propre moto
au Vigeant. Là il revient avec la pôle, c'est une excellente chose pour
notre équipe et pour le team, mais ça confirme mes craintes d'être le
plus limaçon de tous. Tant pis, il en faut bien un, de plus lent, et
c'est pas grave si c'est moi, me dis-je en prenant la piste pour ma
séance de qualification. Je trouve de bonnes sensations de grip, et j'ai
la piste claire pour 3 ou 4 tours, ainsi j'arrive moi aussi à claquer
une pendule en catégorie 750: pôle position également! En fait je suis
un défaitiste de merde puisque j'ai même réussi à améliorer le temps de
Wim! Merci la piste chaude de 10h du matin N'empêche que c'est quand
même moi qui fais pipi le plus loin aujourd'hui, nananananère... :)
Lorenzo qui a tellement été taquiné cette année par les quelques
centièmes de seconde qu'il a dû céder à chacun sur plein de circuits,
a décidé de renvoyer l'ascenseur et se place devant moi à 0.03 secondes!
Au scratch, on est en cinquième et sixième position, "Pippa doit avoir la
gaule" comme dirait un poète dont je tairais le nom mais dont les initiales
sont F et F :)
Le reste du samedi se passe bizarrement, entre la griserie de la "Pôle",
l'angoisse de la course du lendemain, et le stress de nos potes de
Box23, qui courent cette après-midi: c'est pas de la gnognotte sur la
piste! Le départ en particulier est quelque peu "bizarre": je n'ai rien
vu et d'un coup, zooum, tout le monde est parti ! Si je vois rien comme
ça demain, on est cuits! Alors avec Eric mon mécano volontaire et
efficace on s'entraîne, on s'entraîne et on s'entraîne encore. Ma
tactique est simple : je voudrais prendre un départ canon, faire le
holeshot, tout donner dans le premier tour et repasser sur la ligne
de départ en tête. Simple, non ? Ah oui, j'oublie qu'on est 37 avec
cette tactique... :)
Chapitre 5 : samedi, nuit
Je ne vais pas au lit tôt, je me connais c'est un coup à tourne-virer
pendant que l'anxiété du départ s'installe. Non, au lieu de ça j'attends
de tomber de sommeil, et ça marche : dès que ma tête touche l'oreiller,
je dors. Peut-être même juste avant :) J'ai mis le réveil à 6h, ça va
me faire une bonne nuit, cool. Vers 2h30, était-ce le sanglier pas assez
frais (Georges tm), l'oasis orange qui avait été frelatté ou bien les
vapeurs de SP98 qui commencent à me griller trop de neuronnes, toujours
est-il que je fais un drôle de rêve. Dans mon rêve, il y a des gars en
slip kangourou qui courent partout sur notre paddock, cheveux au vent,
pour décrocher les tentes, ranger ce qui peut l'être, juste avant de se
prendre des trombes d'eau sur la tête. Bah, me dis-je en me retournant
et en écrasant l'oreiller de l'autre coté, tout ça n'était qu'un mauvais
rêve, mieux vaut se rendormir!
Chapitre 6 : dimanche, le départ
Au réveil je constate que ce rêve a dû avoir quelque chose de réel
puisque ça fait "schplouk", "schplouk", "schplouk" pendant mon petit
footing de réchauffage de cuves de carbus. Au lever du jour, nos troupes
sont en route pour investir le paddock, box numéro 06. Je suis dans un
état second, comme si je m'observais depuis l'extérieur de mon enveloppe
corporelle en train de marcher, de m'habiller, de m'echauffer, de
parler. Comme si j'avais quitté mon corps et que je regarde la scène
depuis les tribunes. Le doute est désormais levé, le sanglier devait
être pas frais! Je me vois en train de pester pendant les deux tours de
chauffe parce que mon casque est embué et que j'ai gardé la visière
fumée, je me vois en train de donner la moto à Eric, je me vois en train
de lui demander deux ou trois fois si la première est bien passée, sans
écouter la réponse, puis je me vois en train de traverser la piste pour
prendre position. Soudain, je suis de retour dans mon corps, les yeux en
face des trous, qui fixent Mash notre team manager, et rien d'autre au
monde. Il a un meilleur angle de vue sur le starter et nous sommes
convenus que c'est lui que je dois surveiller. Dans les 10 secondes qui
suivent, ce couillon a une très légère faiblesse dans le bras levé que
j'ai interprété comme un "GO" et j'ai faillit faire faux départ! A cran!
Enfin c'est le vrai signe, je saute sur la moto comme un lion sur une
gazelle qui s'abreuve à la mare, je vérifie comme un @#$ que la moto
soit bien en première (je sais...) puis je m'élance et j'arrive à faire
le holeshot !!! Je savais que ces vingt années passées à m'entraîner au
feu rouge contre les cyclos serviraient bien un jour ou l'autre... :)
J'arrive dans le premier virage seul, sans personne devant, et là c'est
le doute : avec toute cette flotte sur la piste, est-ce que je peux
freiner fort/très fort/à peine/n'y pense même pas ? Voilà, c'est ça les
sudistes : jamais de pluie, du coup on sait pas quoi faire dès qu'ya
deux gouttes. Alors je te parle même pas quand il y a deux seaux d'eau!!
Sagement, je pense au team et je me dis qu'ils seraient dégoutés si je
m'en collais une dès le départ et donc je freine prudemment pour le
premier droit. La sanction tombe immédiatement : 3 motos me passent et
une de plus au virage suivant! La course est bel et bien commencée!
Je me répète 10x que ce n'est pas de l'entraînement, qu'il faut y aller,
que chaque place perdue sera dure à remonter, que malgré la pluie la
piste doit bien tenir, bref, toutes ces choses auxquelles on pense pour
essayer de monter son rythme et hop je me mets dans la cadence. Au
moment où je boucle mon premier tour, je choppe le vibreur de la ligne
droite des stands, et je fais une super figure de style, option out-of-
control, mais ma petite expérience de l'enduro me fait garder les gaz
ouverts en grand quand ça glisse, je fais ça et ça passe! La moto se
stabilise et reste droite. Ouf! NB : penser à changer de caleçon après la
course :)
Chapitre 7 : dimanche, la suite de la course
Les tours s'enchaînent alors, avec en moyenne 4 ou 5 glissades
de l'arrière par tour: ça glisse comme pas permis, on fait vraiment un
sport de fous! Bizarrement je n'ai jamais perdu l'avant au freinage,
alors que je repoussais sans arrêt les repères! Au bout d'environ 15
tours, alors que je viens de récupérer une énième glissade du cul, je
me dis -enfin- qu'il faut que je change mes trajectoires et ma position
sur la moto. En toute logique, il faudrait que j'enroule plus mes virages
et surtout que je déhanche plus pour que la moto soit moins penchée,
pour avoir plus de grip. J'essaie et ça marche ! Dommage que je n'y
ai pas pensé plus tôt! Au passage de témoin, je hurle à travers les
casques ces maigres conseils à Wim qui s'élance et descend
significativement mes chronos avec ce "truc" et son talent. Yes, on
remonte au classement! A peine le temps de boire un coup, de changer
de visière et de pisser un bol que c'est à nouveau mon tour. La piste
sèche doucement, tant mieux je vais pouvoir ma lâcher et jouer avec le
chrono. En effet, l'Alfano m'indique que tour après tour je m'améliore et
-surtout- je prends beaucoup de plaisir sur la piste. On est quand même
là pour ça, non ? Les glissades se font plus rares, même si elles ne
disparaîtront jamais de toute la course. Puis c'est à Wim et encore à
moi. Quoi ? Dernier relais ? Déjà? "Ooohh, c'est trop court" comme
dirait mon fils quand on essaie de l'enlever d'un jeu auquel il s'amuse
beaucoup, et c'est ce que je ressens. J'améliore encore les temps,
doucement Wim et moi nous confortons dans le haut du classement,
et puis soudain, c'est le dernier quart d'heure. Là, il s'agit d'assurer,
faudrait pas tomber en panne ou tomber tout court, ce serait trop bête!
Puis c'est le drapeau à damier, 12h03, Georges emmène le team A
vers la troisième place au scratch et en catégorie >750, puis enfin on
aperçoit Wim qui lui aussi nous place troisième en <750. L'explosion
de joie et de larmes dans le paddock me fait prendre conscience que
ça y est, c'est fait, on l'a fait, on a fait podium tous les quatre ! Christophe
n'aurait pas rêvé mieux pour une première de son team, et pour ma
part, je n'aurais jamais parié un sou sur nos chances de finir dans les
premiers !
Chapitre 8, dimanche, fin de la course et podium!
J'suis tellement content de notre réussite que j'accepte de mettre la
casquette du team, alors que j'avais négocié avec notre coach, au
début de notre aventure, de ne pas avoir à en porter. Trop incompa-
tible avec les cheveux longs. :) Mais là, sur le podium, je ne vois pas
comment faire autrement pour montrer ma joie et ma fierté de faire
partie du Papyrex Racing Team. En effet, cette aventure, aussi indi-
viduelle semble-t-elle, n'aurait jamais pû connaître ce dénouement
joyeux s'il avait manqué une seule pièce du puzzle. Chacun a joué
son rôle à merveille, et tous les morceaux se sont imbriqués parfai-
tement pour amener nos deux équipe à la "victoire". Je risque
d'oublier du monde, et si c'est le cas je tiens à m'en excuser par
avance, mais je voudrais remercier les personnes suivantes,
pour leur petite ou leur grosse contribution à avoir fait de cette
course et de ce week-end un de mes meilleurs moments de moto:
* Christophe Pippa pour avoir eu cette idée saugrenue et pour
avoir insufflé une motivation sans limites dans l'équipe
* son épouse, ses filles, sa famille, pour avoir continué à faire briller
la flamme en dépit des épreuves de la vie
* Wim mon mécano/copilote, pour avoir si bien préparé ma moto
et pour l'avoir épargnée en course tout en étant aussi rapide
* son épouse Sylvie pour avoir supporté ses absences pour nos
nuits de mécanique
* Georges et Lorenzo pour m'avoir montré de belles trajectoires
et pour avoir partagé ce moment de bonheur sur piste
* Mash notre team manager pour sa gestion sans erreur de la course
* Xavier aka Desmopedro, notre chef mécano, pour les coups
de main infatiguables
* Marc pour sa bonne humeur, ses coups de main mécaniques
et ses photos, si on les voit un jour! :)
* Thierry notre cuistot, homme de l'ombre s'il en est, pour son super
travail, tellement ingrat ! Comme c'était bon de n'avoir à s'occuper
de rien de ce coté, je te raconte pas!
* Eric mon mécano/béquille pour son aide sur le paddock et pour sa
participation au "holeshot"
* Tous les copains de Box23 pour les coups de main et la bonne
humeur
* Vince et les autres chronos pour le chronométrage et le
panneautage sans erreur
* Denis et Fred?? nos pompiers/ravitailleurs pour n'avoir pas mis le
feu aux bécanes :)
* Etienne le photographe de choc dont on attend aussi les albums
avec les meilleures sélection
* Claire pour avoir apporté ce qu'il faut de féminité dans cette arène
de mâles
* Toutes les autres personnes du PRT en général, merci à vous tous,
merci merci !
Même s'ils étaient absents ce jour-là je tiens à remercier également
* Fabrice aka FF pour son support à distance et sa bonne humeur
* Francis aka FF aussi :) pour son aide à l'entraînement physique en
VTT et pour ses conseils en mécanique
* Terry mon filston pour son sourire qui est une image que je garde
en moi tout le temps, y compris sur la piste :)
Nota pour le team : depuis que je suis revenu et que Terry a vu les
photos, c'est lui qui porte ma casquette du PRT tous les jours, à la
maternelle :)
Et pour finir, mes plus grands remerciement vont auprès de ma petite
gonzesse Corinne pour tellement de choses qu'il faudrait un CR en
soi pour tout expliquer. Et là, ben je crois que j'ai déjà suffisament
causé :)